L'ingénieur du Roi & les travaux de fortification (1)

Au 17e et 18e siècle, la construction mais encore les travaux d'entretien sont réalisés sous la direction d'un ingénieur du roi (plus tard, révolution française oblige, par un ingénieur du corps du génie). Si le nom du plus illustre d'entre eux, Vauban, est connu du grand public, sur le terrain, ce sont les "petites mains" sous la direction des ingénieurs de la place qui sont à la manœuvre.

Ces petites mains — ouvriers et soldats, la main-d’œuvre militaire ne date pas d'hier —utilisent une pléthore d'outils (pour quelques détails cf. un de nos sites, chapitre Science de l'ingénieur & les fortifications).
Certains outils ou matériels sortent parfois de l'ordinaire et s'avèrent indispensables. Leur conception allie souvent ingéniosité et simplicité.

C'est le cas des travaux de construction et, plus encore de maintenance des fortifications entourées de fossés en eau à propos desquels nous allons présenter un matériel aujourd'hui tombé dans l'oubli ! En effet, pour intervenir sur le pied des remparts, il faut tout d'abord vider le fossé de son eau.

Dans un premier temps, on isole les sections sur lesquelles on souhaite intervenir à l'aide d'un ou de plusieurs batardeaux (déf. un barrage, une digue destinée à une retenue d'eau provisoire). Mais il s'agit encore de mettre le fossé à sec même lorsque la hauteur d'eau est devenue très faible. On peut alors s'aider d'un matériel particulièrement astucieux : l'auge à soupape.
Cette machine, manœuvrée par six hommes à raison de quatre cycles par minute, permet de puiser l'eau du côté à assécher pour la déverser de l'autre côté du batardeau.

Auge à soupape — Définition : En hydr. Auge garnie au fond d'une ou de plusieurs petites soupapes qui s'ouvrent quand on plonge dans l'eau la partie de l'auge à laquelle elle répond. Ces soupapes se referment quand on relève l'auge et permettre à l'eau puisée de s'écouler de l'autre côté du batardeau.

Auge à soupage — Dessin manuscrit (s.d. vers 1760) pouvant être attribué à M. Blaveau, ingénieur ordinaire du roi.

L'eau puisée (1) s'écoule en direction d'une gouttière disposée au-dessus de l'axe de l'auge (3) pour se déverser de l'autre côté du batardeau (4). Dans le même temps, le côté opposé de l'auge se remplit (2) et il suffira de basculer l'auge, à l'image d'une balançoire, pour recommencer ce cycle !

Principe de fonctionnement d'une auge à soupape. Le fossé à vider se trouve à gauche, les lignes horizontales de couleur verte signifient le niveau de l'eau.


Certes, le travail est physique mais le débit obtenu est tout à fait intéressant. La machine, malgré son caractère imposant, peut être repositionnée tant que besoin.

Bien cordialement. 

J.M.

Complément en date du 19 février 2016.

Le principe est très simple : Le système ressemble au tape-cul ou balançoire à bascule des jardins d'enfants (c'est un type de balançoire qui consiste en une planche équilibrée articulée par son centre de gravité) si ce n'est que c'est un peu plus physique et certainement moins ludique !
Deux équipes de trois ouvriers manœuvrent des cordes à chaque extrémité et, pour ne pas avoir les pieds dans l'eau, ils utilisent probablement un bâti. 

Ci-après, un focus sur l'estimation du coût du dispositif ainsi que sur ses performances attendues…


Commentaires